Dans l’introduction au numéro thématique, R. Perrin, M. Mathieu et M. Le Guen rappellent que, si le droit à l’avortement a été libéralisé dans de nombreux pays, le processus connait des reculs et reste ailleurs inachevé. Cinquante ans après le vote de la loi Veil, ce numéro analyse les obstacles persistants à l’autonomie procréative des femmes.

Le délai légal de recours à l’IVG est progressivement passé en France de 10 semaines en 1975 à 14 en 2022. M. Le Guen analyse les débats parlementaires pour montrer comment la norme juridique délimite cette autonomie procréative, éclairant l’évolution des arguments autour des registres éthiques, médicaux et pragmatiques.

Alors que le gouvernement sénégalais a ouvert une réflexion sur une possible libéralisation du droit à l’avortement en invoquant l’enjeu de santé publique, Marième N’Diaye étudie le mouvement des opposant·es fait d’une coalition aux intérêts divers, au sein de laquelle alternent action radicale, menace de recours à la violence et discours de responsabilité.

À l’aide d’observations menées dans trois centres d’IVG, R. Perrin examine la pratique de l’IVG comme un enjeu professionnel, montrant comment les médecins gynécologues-obstétriciens délèguent cette tâche tout en cherchant à maintenir leur contrôle symbolique. L’article met en lumière la dimension relationnelle du « sale boulot » ainsi que l’utilisation du dégoût comme « pratique de pouvoir professionnel ».

À partir d’entretiens avec une cinquantaine de femmes ayant avorté, Laurine Thizy analyse les stratégies de résistance à la stigmatisation, en se concentrant sur le travail émotionnel. Elle explore comment ces femmes gèrent leurs sentiments et expériences émotionnelles pour surmonter la stigmatisation intériorisée et expérimentée, en lien avec leur trajectoire procréative.